Il était une fois une fois, Les Souliers rouges, un conte musical qui parle d’amour, de gloire et du prix à payer pour réaliser ses rêves. Un projet sur lequel Marc Lavoine travailla dans le plus grand secret durant un peu plus de 8 ans, avec son complice de toujours, le compositeur Fabrice Aboulker.
Le projet musical s’inspire du film The Red Shoes (1948) de Michael Powell et Emeric Pressburger qui lui-même tire son inspiration d’un conte d’Andersen (De røde sko – Les Souliers rouges). De mon point de vue, il ne reste que peu de l’un et pratiquement rien de l’autre dans ce projet musical, sinon les célèbres Souliers rouges et la mort tragique de la femme qui les porte. Mais qu’à cela ne tienne, puisque l’on nous offre ici une histoire déchirante et une musique rien de moins qu’envoûtante.
En 15 chansons, comme autant de scènes, Marc Lavoine, Coeur de pirate et Arthur H nous content l’histoire tragique de ce triangle amoureux composé d’un chorégraphe (Arthur H), d’une ballerine (Coeur de pirate) et d’un auteur (Marc Lavoine), tous trois prisonniers d’un ballet maudit.
Une histoire en 15 chansons
Un chorégraphe, désireux de renouer avec le succès, pactise avec le Diable pour créer l’oeuvre de sa vie : Les Souliers rouges. Comme toujours dans ce genre d’association, le don consenti n’est pas sans condition : pour garantir le succès du ballet, la ballerine qui portera les chaussons rouges du premier rôle ne devra pas tomber amoureuse, sous peine d’en mourir. Le chorégraphe accepte et prend sous aile une jeune danseuse avide de gloire. Le ballet est, sans surprise, un franc succès.
Vivre ou ne pas vivre
Vivre son rêve même à tout prix
Tout donner le jour et la nuit
S’abandonner à l’infini
Mais bientôt, les choses se compliquent. Alors que la relation entre le chorégraphe et la ballerine devient ambiguë, celle-ci tombe amoureuse d’un auteur. La malédiction s’accomplit alors… Confrontée à un choix impossible entre sa passion pour la danse et son amour pour un homme, le destin de la jeune femme ne peut qu’être tragique.
Un casting pour le meilleur?
D’entrée de jeu, j’ai été un peu dépitée en découvrant Coeur de pirate dans le rôle de la ballerine. La voix enfantine et la prononciation souvent négligée de Béatrice ne me rallient pas. Pourtant, dans le cadre de ce projet, la chanteuse a su totalement me conquérir. Sa voix douce et veloutée et sa physionomie délicate cadre magnifiquement avec le personnage qu’elle incarne.
Entre la voix douce de Coeur de pirate et les voix chaudes et texturées de Lavoine et de H, la magie opère. Les Souliers rouges donne lieu à des duos (Oh mon amour) et des trios très inspirés (Toi et cet homme, Vivre ou ne pas vivre, Qu’il est difficile). Marc Lavoine et plus particulièrement Arthur H, dont la voix est tout simplement envoûtante, s’intègre parfaitement à l’univers tragique de ce conte musical.
Casting heureux, donc, que celui qui a donné vie et voix aux Souliers rouges.
Et la musique dans tout ça…
Féérique! Une ambiance à la fois éthérée et d’une tristesse poignante, la musique – essentiellement un piano, des violons et une guitare acoustique – nous transporte dans un monde fait d’ombre et de lumière, à la légèreté douloureuse. Les mélodies lancinantes soutiennent habilement les textes, tantôt chantés, tantôt déclamés, qui constituent le coeur de cette tragédie musicale.
Les Souliers rouges : un hommage à la femme?
Dans les différentes entrevues accordées aux médias français, j’ai été étonnée d’entendre Marc Lavoine présenter Les Souliers rouges comme un hommage aux femmes et encore plus étonnée de constater que les médias français accolaient l’étiquette de féministe au créateur du conte. Le spectacle d’une femme, prisonnière d’un triangle amoureux, qui doit choisir entre carrière et amour, quoiqu’émouvant, peut-il être considéré comme un « hommage à la femme »?
Je présume, à bien y réfléchir, que l’on peut voir dans le dilemme de cette ballerine, la mise en scène d’une réalité à laquelle beaucoup de femmes sont encore aujourd’hui confrontées. En dépit des batailles gagnées pour l’avancement du droit des femmes, elles sont encore nombreuses à être prisonnières de la perception négative que la société entretient et nourrit à leur égard. Celles qui font le choix difficile de mener de front carrière, amour et vie de famille se heurtent souvent aux préjugés, au dénigrement, quand elles ne sont pas tout bonnement écartées.
Hommage à la femme ou manifestation d’un certain féminisme à la française? Dans tous les cas, Les Souliers rouges constituent de mon point de vue un magnifique hommage à l’art d’Andersen, à celui de Powell et de Pressburger… Et ultimement à la musique d’expression francophone.
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