Pour souligner la Journée internationale des femmes, Champ son vous propose 5 femmes, 5 voix féminines qui chacune à leur manière tente de changer le monde 1 chanson à la fois. Bonne journée internationale des femmes en musique!
Talkin’ Bout A Revolution : annonce d’un soulèvement
Dès le début de sa carrière, Tracy Chapman dénonce les inégalités sociales, le racisme et l’importance de se battre pour un monde plus juste. Sorti en 1988, son premier album éponyme est un mélange de chansons de protestation bien senties et de chansons d’amour tout en finesse.
Talkin’ Bout a Revolution parle du soulèvement prochain de la population pauvre, prétextant que les tables – les temps – « sont en train de changer de côté » (tables are starting to turn). On s’est beaucoup interrogé sur la nature des changements évoqués par Tracy dans sa chanson et sur les motifs qui justifieraient un soulèvement des classes populaires… Certains critiques ont mis son discours sur le compte de l’esprit frondeur et naïf de la jeunesse – Tracy Chapman a alors 24 ans. On a parlé d’un coup de gueule qui ne trouverait pas d’écho durable dans la société…
L’avenir a donné tort aux détracteurs de la chanteuse. Les paroles sibyllines de Talkin’ Bout a Revolution séduisent encore aujourd’hui, preuve que la foi dans un monde meilleur n’a pas d’âge.
Kelmti Horra : de la liberté de parole à la liberté d’être
Peu d’artistes parviennent, en une chanson, à marquer le champ de la contestation politique et sociale. C’est pourtant le cas d’Emel Mathlouthi et de Kelmti Horra.
Nous sommes en décembre 2010, en Tunisie, en pleine révolution de Jasmin. Parmi la foule qui se soulève contre le gouvernement, une voix se distingue des autres. Il s’agit d’Emel Mathlouti entonnant Kelmti Horra — Ma parole est libre. La chanson deviendra l’hymne du printemps arabe et propulsera la jeune femme sur le devant de la scène. Après un premier album du même nom (Kelmti Horra, 2012), Emel Mathlouti est invitée à interpréter l’hymne à la liberté lors de la cérémonie de remise du prix Nobel de la paix en 2015.
Pas question pour autant de se laisser enfermer dans son rôle de porte-flambeau de la révolution tunisienne. Emel Mathlouthi se revendique d’abord et avant tout « comme membre de la communauté mondiale des arts, comme faisant partie de cette universalité qui transcende les appartenances ». Lorsque, en mars 2017, le Metropolitain Museum de New York la sollicite pour participer à un concert avec d’autres artistes étrangères dans le sillage de la Women’s March – initiative pour promouvoir les droits des femmes et des minorités et contre la politique migratoire de Donald Trump, Emel Mathlouti bataille dure afin que le concert nommé initialement Muslim Women’s Voices soit rebaptisé Women’s Voices.
Est-ce que les chanteurs blancs américains ou européens sont ainsi définis? Non, on va saluer leur audace musicale et artistique sans se soucier de leurs origines ! Je voudrais de la même manière que l’on donne de la considération à ma voix, que l’on ne me regarde pas, sous prétexte que je viens de Tunisie, sous le prisme de l’orientalisme, de l’exotisme ou de la militante engagée.
Revolution : la pop bling-bling contre l’islamiste radical
Des images présentant le quotidien paisible de villageois au Kurdistan. Et puis soudainement, une explosion, des corps ensanglantés et des hommes vêtus de noirs qui surgissent à bord de chars d’assaut semblables à ceux volés par l’EI aux forces gouvernementales irakiennes.
Tandis que la population fuit en courant, une jeune femme marche à contre-courant d’un pas assuré, talons dorés, bracelets ornés de balles et treillis kaki, et déploie devant un char une banderole où l’on peut lire « Stop the violence ». Ainsi débute Revolution, le vidéoclip du second single en carrière d’Helly Luv.
Cette diva de la pop qui ne craint pas d’affronter l’État islamique en militant pour l’indépendance du Kurdistan est devenue en quelques années un symbole de la lutte contre le terrorisme et notamment des Peshmerga, ces forces armées regroupant des hommes et des femmes qui combattent les soldats de l’État islamique (Daesh). Régulièrement menacée de mort pour ses prises de positions contre l’islamiste radical, Helly Luv vit cachée depuis 2013.
Pour réaliser le vidéoclip de Revolution, la chanteuse kurde et son équipe se sont rendues à la frontière turco-syrienne, à moins de trois kilomètres de la ligne de front. Tourné en trois mois, en 2015, le vidéoclip s’appuie en partie sur des images réelles, montrant des bombardements et des habitants chassés par l’État islamique. Le vidéoclip a été consulté à plus de 9 millions de reprises depuis sa mise en ligne sur YouTube. Risk it All – un plaidoyer en faveur d’un Kurdistan indépendant – suit derrière avec un score de plus de 6 millions de vues.
Dear Mr President : lettre ouverte au Président des États-Unis
Éloge de la diversité humaine sous toutes ses formes, lutte pour les droits de l’homme et de la femme, visage de l’UNICEF contre la malnutrition dans le monde, engagement contre la cruauté envers les animaux et prises de position régulières sur la politique américaine… P!nk, avec sa fougue et son légendaire franc parlé, n’hésite pas à s’impliquer pour bousculer l’ordre des choses et faire évoluer les mentalités.
En 2014, la chanteuse rejoint les rangs du mouvement 1 Billion Rising qui lutte contre la violence faite aux femmes. Entourée de son équipe de tournée, P!nk réalise une chorégraphie sur la chanson Break the Chain de Tena Clark afin de promouvoir l’organisme auprès du grand public.
Trois ans plus tard, en 2017, à l’occasion des MTV Video Music Awards, l’artiste, dans un discours qu’elle dédie à sa fille, se fend d’un vibrant témoignage sur l’importance de ne pas tenir compte des attaques basées sur l’apparence physique. Elle incite sa fille à s’accepter comme elle est et plaide en faveur de la diversité corporelle.
Toutefois, ce sont sans doute les revendications politiques de P!nk qui ont le plus marqué les esprits. En 2006, dans une chanson intitulée Dear Mr President, sorte de lettre ouverte qu’elle adresse au président américain George W. Bush, P!nk illustre les incohérences des décisions du politicien au regard des valeurs religieuses qu’il revendique comme siennes : déclenchement de la guerre en Irak, manque d’empathie pour les classes pauvre et moyenne de la société américaine, etc.
Hurts 2B Humain, le 8e opus de la célèbre chanteuse à la tignasse rose – qui fêtera ses 40 ans cette année – est attendu pour le mois d’avril.
Tiny Hands : une mise en garde sans équivoque
En décembre 2016, Fiona Apple marque les esprits en faisant paraître sur SoundCloud une parodie du classique de Noël Chestnuts roasting on an Open Fire, rebaptisé pour l’occasion Trump’s Nuts Roasting on an Open Fire – Les couilles de Trump rôtissent dans un feu en plein air.
Quelques semaines plus tard, la chanteuse récidive avec Tiny Hands, une nouvelle diatribe à l’endroit du futur président des États-Unis. Le morceau qui ne dure qu’une minute et deux secondes a des airs de slogan de manifestation. Son unique refrain est sans équivoque : « We don’t want your tiny hands/Anywhere near our underpants » – On ne veut pas que tes petites mains/S’approchent de nos sous-vêtements. En bruit de fond, on peut entendre le fameux « grab’em by the pussy », extrait d’une vidéo datée de 2005, et dévoilée par le Washington Post, dans laquelle Trump se vante d’avoir peloté des femmes sans leur permission.
Le titre de la pièce, quant à lui, est une référence claire aux propos obscènes tenus par Donald Trump lors d’un débat républicain en mars 2016 : « Regardez ces mains. Elles ont l’air petite. Si elles sont petites, alors tout le reste doit être petit, et je vous le garantis, ce n’est pas le cas, il n’y a pas de problème de ce côté-là, je vous le garantis » (voir le compte rendu de Richard Hétu dans La Presse : La longueur du pénis de Trump).
Dès sa sortie, Tiny Hands galvanise les esprits. La chanson écrite en soutien à Women’s March – mouvement de protestation lancé par des citoyennes anonymes en réaction aux multiples déclarations misogynes et insultantes du magnat de l’immobilier – apparaît comme un cri de ralliement poussé par Fiona Apple pour soutenir les droits des femmes. Son appel ne restera pas sans réponse.
Women’s March et Sister Marches
Le 21 janvier 2017, alors que Donald Trump vit sa première journée comme président des États-Unis, des centaines de milliers de femmes défilèrent dans les rues des principales villes américaines, comme New York, Philadelphie, Chicago, Los Angeles, mais aussi Paris, Berlin, Londres, Prague, Sydney et Montréal, pour protester contre l’arrivée au pouvoir d’un homme ayant tenu des propos sexistes et haineux tout au long de sa campagne électorale.
L’organisation américaine à l’origine de l’événement a estimé qu’à l’échelle internationale plus de 2 millions de personnes ont pris part aux Sisters Marches.
Félicitations, mesdames !
Et bonne journée internationale des femmes !
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